Au départ un personnage ne doit pas être attachant, il doit être intéressant, on doit lui trouver un intérêt, il doit exprimer quelque chose et pas forcément quelque chose de positif. Il n'est pas obligé de balancer des discours à la Fabrice Luchini, il doit être lui-même, en rapport avec l'histoire qu'il vit. Si on change ce rapport, si on ne suit plus le fil directeur de sa personnalité, de ce qu'il cherche à fuir, et de ce qu'il cherche à obtenir, l'authenticité est bafouée. Après il y a des personnages principaux qu'on adore, et d'autres qui n'attirent pas la sympathie, mais qui reflètent une partie de nous-mêmes qu'on a enfouie dans les ombres de l'inconscient. L'essentiel c'est de montrer une personnalité telle qu'elle est, puisqu'on a choisi de développer un thème précis. Dans l'album "La nuit", Druillet parle de la mort, c'était la première fois qu'on osait en parler ouvertement dans une bande dessinée. Il ne s'est pas demandé si ses personnages étaient attachants ou pas, il a montré une réalité, une souffrance, une douleur. Il a créé son œuvre et il l'a jetée comme une bouteille à la mer, livrée aux flots déchaînés du monde et de la vie. Dans le roman "L'étranger" de Camus, le personnage ne parle presque pas, on ne sait même pas ce qu'il pense vraiment à certains moments, il suit le cours de son histoire. C'est ce qu'on appelle la "littérature blanche", où l'auteur s'en tient à l'objectif et à ce qui est extérieur, sans le côté intérieur et sentimental. Tu connais ton personnage, tu sais qui il est, tu devines comment le présenter, alors tiens bon le cap, ne te laisse pas influencer, c'est toi qui penses, c'est toi qui écris, c'est toi qui décides. Ton personnage symbolise un aspect de la personnalité, qui n'a rien à voir avec les merveilles de l'univers, parce que cela existe aussi et que tu as envie d'en parler et de raconter. Parce que tu as envie de témoigner, de montrer, parce que cela t'a interpellée à un moment, comme dans le film "Hypnose" où le fantôme d'une fille demande l'aide de Kevin Bacon. C'est toi la romancière, suis ton instinct, ton inspiration, tu es seule pour enquêter, pour découvrir la vérité, une vérité qui ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais ce sera la vérité. Et si ton compagnon rechigne, tu le fixes derrière tes sunglasses, cintrée dans ton perfecto à la Joan Jett, pour le jean et les tiags je te laisse le choix des marques. Et tu ne dis rien, ton silence suffira.
