Écrire un Roman

Bonjour le forum,

Après de longs mois de silence, je reviens faire un petit tour sur le forum (je m'en excuse... mea culpa... mes journées, soirées, week-end, sont tellement remplies que je n'arrive pas à faire tout ce que je voudrais réussir à faire... mais bon, ça c'est une autre histoire que je ne vais pas développer ici, puisque ce n'est pas le sujet du présent post ).

J'aurais souhaité faire appel à vos bons conseils, vos avis, concernant l'accélération narrative.

Plus je lis de romans, et plus je me rends compte que cette technique est bien souvent utiliser pour accélérer l'horloge de la narration et passer plus rapidement d'un moment à un autre, d'une scène à une autre... bref de faire l'impasse sur des évènements à priori moins importants et pouvoir aborder plus vite des passages jugés plus importants.

On fait directement passer le personnage de sa chambre d'appartement à la plage où l'attend un ami. On voit le personnage s'endormir dans son canapé après une soirée bien arrosée pour le retrouver le lendemain assis derrière son bureau avec un mal de tête carabiné. On passe de Paris à New York, de Londres aux contrées reculées du Tibet... bref, on accélère la narration.

Dans les exemples donnés ci-dessus, cela me parait encore plus ou moins évident. Dans le cas du personnage qui s'endort dans son canapé, on peut facilement passer au lendemain matin par une petite transition du type : La nuit avait été courte. Une aspirine dans un café chaud n'avait pas réussi à chasser la douleur qui me martelait les tempes. Il était huit heures. J'étais assise à mon bureau, les yeux plongés dans le premier dossier de la journée.
Si on souhaite passer de Londres à Miami... ça ne me parait pas plus compliqué. On précise le lieu au départ du paragraphe ou du chapitre, et le tour est joué.

Mon problème se situe ailleurs. Comment introduire une accélération narrative en plein milieu d'un chapitre ? Je ne sais pas comment clarifier ma question pour que vous puissiez saisir mon souci. Peut-être avec un exemple.

Imaginez que le personnage marche dans la rue. Il fait sombre, poussièreux. Le héros se rend compte qu'il est observé. Un charognard probablement. A ce stade de l'histoire, le lecteur découvre l'environnement du roman. Les conditions difficiles dans lesquelles le héros évolue. On sait que l'affrontement avec le charognard est imminent. Et puis il survient. Je décris le combat, ce qui permet de donner certaines infos concernant le personnage mais aussi le type d'animal biazrre qui rôde dans le coin.
Et c'est à partir de là que je me demande si une accélération narrative est nécessaire. Le personnage n'est pas dans cette rue par hasard. Il tente re rejoindre la maison d'une vieille dame à qui il veut venir en aide. Or sur sa route d'autres bestioles trainent leur pattes velues. Etant donné que je viens de décrire un combat avec l'une d'entre elle, je ne vois pas l'intérêt d'en décrire 3 autres... mais je dois pouvoir les aborder dans la narration car il est important de donner le sentiment au lecteur que ces ruelles grouillents de saletés dangereuses. J'aimerais donc juste après le combat, placer une accélératino narrative pour en arriver plus vite à la scène où le personnage découvre la vieille dame blessée dans sa cuisine.

Et je ne saos pas comment faire sans que cette accélération narrative ne tombe comme un cheveux dans la soupe, et donne le sentiment au lecteur que je lui subtilise une partie de l'histoire.

Vous avez des conseils ?
Merci
Yves

Il s'agit en fait de l'ellipse. Elle est partout dans une histoire, à tous les niveaux. Il suffit de lire, seul l'essentiel est dit, le reste est zappé. En règle générale, car certains auteures et auteurs aiment bien développer, détailler, faire durer le temps, s'éterniser. Là il s'agit du choix du style : écrire court en allant à l'essentiel ; écrire long en développant.

En allant à l'essentiel, les ellipses seront plus fréquentes ; en développant, elles apparaîtront à certains endroits, pas exemple pour souligner un changement de scène.

La règle en scénario de film est d'entrer le plus tard dans une scène, et d'en sortir le plus tôt possible, dès que tout a été dit. Et on enchaîne avec la scène suivant, en créant un lien ou une ellipse. C'est au choix. Il faut varier les deux possibilités, pour créer une variation, qui donnera la dynamique de lecture du récit.

Bonjour Yves,

J'ai déjà rencontré ce problème. Personnellement, j'ai choisi l'accélération narrative et j'ai laissé le soin à mes bêta-lecteurs de me dire si les mots tombaient comme un cheveu sur la soupe. En fonction de ce que les autres te diront, tu pourras rectifier (certains de tes bêtas auront peut-être une autre formulation de phrases à te proposer, plusieurs autres te diront qu'ils souhaitent encore une description de combat...)

Tes phrases explicatives me semblent déjà pas mal. Avec un peu de peaufinage, ça pourrait donner un truc du style :

"Après ce combat épuisant et sanglant, je m'adossai une seconde au coin de la rue. Mon souffle saccadé et mon odeur emplie d'adrénaline attirerait vite d'autres bestioles répugnantes, je ne devais pas trainer.
D'une poussée sur mes jambes maigrelettes, je traversai le carrefour au pas de course. Trop tard. Déjà, une araignée de trois fois ma taille se glissait le long du mur d'en face. Résignée, mais de nouveau pleine de rage et de dégoût, je dégainai mon 9mm.


La vieille dame gisait dans une petite flaque de sang écarlate. L'odeur de fer me souleva l'estomac, mais je me forçai à approcher. Elle ouvrit ses paupières aussi fines que du papier de riz :
- Tu es venue...
- Bien sûr !
Je l'aidai à s'asseoir, adossée au lave-vaisselle. Sa plaie à l'arrière du crâne ne saignait plus, et elle semblait reprendre ses esprits et ses forces.
- Tu es couvertes de tripes. Combien en as-tu affrontée pour parvenir jusqu'à moi ?
- Trois. Et des énormes. J'ai l'impression qu'elles grossissent de plus en plus vite... La faute à tous ces cadavres qu'elles dévorent ! lâchai-je, les mâchoires crispées par la colère et la tristesse."

Voilà, j'espère t'avoir un peu aidé !

Pour apporter une pierre à l'édifice : il y a un célèbre effet d'accélération narrative dans l'Education sentimentale de Flaubert.
Texte cité ici - rompt avec les scènes qui précèdent, qui étaient écrites dans un temps grammatical différent si je me souviens bien.
On a donc tout à coup ce passage avec ses passés simples lapidaires, qui font justement une série d'effets d'ellipses : "Il voyagea. .... Il revint."
On peut en conclure que si on alterne des passages descriptifs et détaillés, et des passages lapidaires, sans précisions, on obtient un effet de rupture narrative. En arrangeant le rythme, on peut obtenir un effet d'accélération.
Par ex on pourrait, avant d'écrire quoi que ce soit, décider de la FORME d'un texte qui irait s'accélérant :

- Paragraphe de 10 lignes
- Paragraphe de 6 lignes
- Paragraphe de 8 lignes
- Paragraphe de 4 lignes
- Paragraphe de 6 lignes
- Paragraphe de 2 lignes

Juste une idée...

PaulPersonne a écrit : Par ex on pourrait, avant d'écrire quoi que ce soit, décider de la FORME d'un texte qui irait s'accélérant :

- Paragraphe de 10 lignes
- Paragraphe de 6 lignes
- Paragraphe de 8 lignes
- Paragraphe de 4 lignes
- Paragraphe de 6 lignes
- Paragraphe de 2 lignes

Juste une idée...

Exact. Tu peux même accélérer en une phrase, ellipse, et scène suivante. Ou passer d'une scène à l'autre sans phrase transitoire.
Cela va en fait dépendre de ton style, du choix : court en allant à l'essentiel, auquel cas tout sera court ; long en développent et là tout sera étoffé ; ou en combinant les deux dans des proportions variables.

Merci Mario, merci Paul et merci Ileana.

Ileana : merci pour avoir pris la peine de me pondre en vitesse un petit texte qui, sous certains aspectcs, resssemble à ce que je voulais écrire ! C'est exactement ce genre d'accélération que je cherchais dans cette scène.

Mario : pourrais-tu éventuellement développer ton conseil " entrer le plus tard possible et sortir le plus tôt possible de la scène " ?

Merci à tous.
A très bientôt.
Evee (qui repasse en vitesse sur le forum car il a enfin quelques minutes de disponibles... hahaha )

PS à Ileana : dans l'exemple de ton texte, il y a juste un truc qui me chipote.

Tu termines un chapitre en parlant de la jeune fille qui, à la vue d'une araignée lançée à sa poursuite, dégaine son 9mm (Résignée, mais de nouveau pleine de rage et de dégoût, je dégainai mon 9mm).

Tu commences ensuite le paragraphe suivant lorsque la jeune fille se retrouve dans la demeure de la grand-mère (...La vieille dame gisait dans une petite flaque de sang écarlate. L'odeur de fer me souleva l'estomac...).

On voit clairement quelle place prend cette accélération narrative : on passe de la rue à la maison... mais, plus je lis ton exemple, et plus je me repose la même question : peut-on envisager ce genre d'accélération alors même que dans le paragraphe qui précède, l'action semble belle est bien présente et entamée ? Dans ton exemple, tu termines l'avant dernier paragraphe avec ce qui semble être le départ d'une nouvelle situation tendue dans le chef du héros ? (la fille est poursuivie par une araignée et dégaine son arme)... Le lecteur ne va-t-il pas tiquer sur le fait qu'il manque une partie de l'action ? Ne va-t-il pas être frustré ? Peut-on réellement placer une accélération narrative (ou une ellipse ? J'avoue encore avoir du mal à distinguer les deux) à un tel endroit ?

Merci pour ton / vos avis.
Yves

Evee
pourrais-tu éventuellement développer ton conseil " entrer le plus tard possible et sortir le plus tôt possible de la scène " ?

C'est un procédé scénaristique conseillé par plusieurs scénaristes qui consiste à montrer l'essentiel avec les actions et les infos majeures, donc le plus important de la scène. Tout ce qui est avant et après, et qui ne sert à rien, doit être zappé. Par exemple les parcours d'un lieu à un autre, où il ne se passe rien.

Bonsoir Mario,

Merci pour cette précision. Cela rejoint un peu ce que je cherche à faire dans mon roman. Raconter toute une scène de A à Z n'a parfois aucun intérêt. Il me faut à présent trouver la bonne technique. Comment trouver le bon moment où commencer le chapitre, ou la scène, ne devrait pas me poser trop de soucis. Ce qui est plus compliqué, je trouve, c'est de savoir où s'arrêter avant de recommencer la suite à un autre endroit géographique, ou temporel de l'histoire.

Bonne soirée Mario.
Yves