Je pensais pourtant avoir été clair en exposant les différentes possibilités et les choix possibles, sans intention d’imposer quoi que ce soit. Ou d’affirmer que telle possibilité est la meilleure et doit à tout prix être choisie. A chacun de les tester.
J’ai fait dix ans de piano classique dans une école de musique. J'ai même composé quelques petits morceaux. Mon prof de piano, un homme vénérable de 70 ans avait été pianiste sur le paquebot France. Toute une époque !
MARIO : Des chapitres de la même longueur ne sont pas un problème si l’histoire est captivante. Cela crée même un rythme régulier qui peut porter le lecteur.
PHILICARE : Non, impossible ;-). Tout simplement parce qu'on ne lira jamais deux chapitres de même longueur à la même vitesse.
Je parle du rythme de la structure qui agit en "toile de fond" ou qui peut agir (cela dépendra de la perception de chaque lecteur). Et non pas de la vitesse de lecture, qui elle est soit indépendante de la structure et de ce rythme, soit liée à elle. Cela dépendra de l'intensité de la lecture, etc.
MARIO : Le mieux est de prendre un juste milieu avec des chapitres de longueurs à peu près égales, avec une marge de quatre à six pages entre eux (par exemple).
PHILICARE : Il n'y a pas de juste milieu à prendre (rien de pire que le juste milieu, en l'occurrence ;-)). Un chapitre impose sa longueur. Le “trop long” ou le “trop court” ne découle que d'un mauvais traitement de l'histoire. Et on peut avoir un chapitre de 50 pages trop court comme un chapitre de 20 lignes trop long.
Le juste milieu est un repère qui stabilise et équilibre les extrêmes. Après on choisit de varier les proportions pour obtenir tel ou tel effet ou parce que l'on écrit comme ça tout simplement. Tout est permis. Mon choix, et il est personnel, va dans le sens de chapitres réguliers avec une petite marge. C'est pour le moment mon idée de l'harmonie, elle changera peut-être un jour.
MARIO : puisque seule la mélodie nous attire comme un aimant.
PHILICARE : Aïe aïe aïe, encore une idée préconçue : l'opposition ou la distinction entre mélodie et rythme. En fait, si tu étudies la musique, tu découvriras que dans une phrase musicale (ce que le commun des mortels entend), le rythme (que tu confonds peut-être avec le tempo) est une caractéristique au moins aussi importante que les notes.
Il y a un jeu musical — entre musiciens — qui le démontre : si tu frappes juste le rythme d'une grande mélodie, sans les notes, la plupart des gens la reconnaissent. En revanche, si tu joues les notes sans leur rythme : la plupart des mélodies deviennent méconnaissables.
Je parle de la mélodie et dons sous-entendu de la voix. Si on écoute un chanteur ou une chanteuse, on sera forcément attiré par la voix comme un aimant. Bien sûr il y a l'orchestration, les instruments, la batterie, la basse, qu accapare l'attention à certains moments, par exemple un solo de guitare, mais au final ce sera toujours la voix qui reprendra le dessus et dons forcément la mélodie. Mais comme la mélodie a un rythme et un tempo…
MARIO : où dans une œuvre en général tout est structuré sur quatre mesures qui se répètent.
PHILICARE : Pardon ?… Celle-là, je ne l'avais jamais entendue, Mario :-). Tu as été vérifier où tu répètes un truc entendu ? Je fais de la musique depuis 40 ans (c'est mon premier métier), j'ai un Premier Prix d'analyse (donc je pense un peu connaitre la musique… juste un petit peu…), et je n'ai jamais entendu parler de ça.
Pour le principe des quatre mesures qui se répètent, il s’agit de la structure de la portée, à savoir la mesure avec ses barres de mesure. Que l’on prenne Angie des Rolling Stones ou un Nocturne de Chopin, La marche des canards ou La mer de Trenet, toutes les mélodies sont structurées sur ces quatre mesures (en règle générale).
Un simple exemple avec Au clair de la lune, formaté en 4/4, la mélodie totale se déroule sur 8 mesures, donc 2 x 4. Il y a évidemment des exceptions, en règle générale ce principe est appliqué et c’est une base de la composition. Mais là aussi il existe d’autres possibilités, par exemple une mélodie avec son accompagnent peut avoir deux mesures différentes : 3/2 pour la clé de sol et 5/4 pour la clé de fa. Etc. Là je parle alors de mesure et nons pas du principe des quatre mesures.
Cela peut paraître incroyable que toutes les mélodies soient au carré (on va dire), je parle notamment des chansons que ce soit de la variété, du rock etc., mais cela est possible grâce au choix des mesures simples et composées. Une mélodie quelle qu’elle soit pourra toujours être formatée au carré et ceci sans nuire à son déroulement naturel.
A ne pas confondre avec le rythme de la mélodie dans la mesure et qui obéit aux temps forts et faibles. Par exemple, dans une mesure simple 4/4, donc 4 noires, il devra y avoir l’équivalent de 4 noires (sauf exception dans certains cas avec le triolet dans les mesures simples et le duolet dans les mesures composées, il y a d’autres exceptions).
Et donc c’est justement grâce à cette contrainte des quatre mesures, que la musique peut être à la fois structurée et libre. Je résume.
MARIO : On n’en a pas conscience (principe des quatre mesures)
PHILICARE : Ben si, justement, en musique, on a parfaitement conscience du rythme et de la carrure. Et c'est même là-dessus qu'elle s'appuie en permanence…
Celui qui écoute un morceau, ne connaissant pas le principe des quatre mesures, et donc n’ayant pas de notion de musique, n'en aura pas conscience. Il pourra juste capter le rythme des temps dans les mesures.
PHILICARE : Et la musique est un très mauvais exemple, c'est un art qui a le contrôle du temps, contrairement au roman.
Ce principe des quatre mesures, et même celui des temps dans les mesures peut être appliqué au roman, au paragraphe, etc. Je ne dis pas qu’il doit être appliqué, je dis bien qu’il peut être appliqué. Le roman sera-t-il meilleur ? Pas du tout, on peut même inventer son propre système de rythme. Tout est permis en structure.
On peut prendre n'importe quel art et science, objet, etc., et trouver des coïncidences, des analogies, des correspondances, des comparaisons avec l'écriture et le roman. Donc tous les exemples sont bons. Mais certains sont plus appropriés, c'est évident. Je pense, moi, que la musique est un bon exemple. Après c'est une question d'opinion, et je respecte chaque point de vue.
Il existe bien un temps du roman, mais il obéit à des règles de variations. On peut le contrôler dans certaines conditions, ou pas.
MARIO : Maintenant des chapitres de longueurs très inégales peuvent créer un déséquilibre.
PHILICARE : Absolument pas ! Tout simplement parce que le déséquilibre crée du sens, aussi, dans une œuvre.
Il arrive fréquemment qu'un roman commence par un chapitre beaucoup plus court que les autres, comme tu le dis toi-même, et cette différence peut être énorme (je sais pas, allez, je vais dire au hasard “Pars vite et reviens tard” de Fred Vargas : je crois me souvenir que le premier chapitre fait moins de 10 lignes). Mais ça ne se limite pas à ça : à l'intérieur des grandes œuvres — comme les petites — on trouve des chapitres courts et d'autres longs, comme on trouve au cinéma des scènes très courtes (quelques secondes) aussi bien que des scènes très longues (proche des dix minutes).
Si on lit un roman avec un chapitre de 12 pages, puis de 8, de 23, de 4, de 16, de 2, etc., il peut y avoir un effet de non continuité et de rupture du rythme. Il suffit de tester. Je dis bien qu’il peut y avoir. Pour certaines histoires, intrigues, etc., dans le but d’obtenir des effets, le manque de symétrie peut jouer dans le bon sens. En règle générale, un roman avec des chapitres à peu près réguliers aura une meilleure structure rythmique. Je ne dis pas que le roman sera meilleur. De toute façon cela reste un point de vue et un choix.
Au final, je pense qu'il y a eu des points peut-être obscur dans mon exposé, je n'ai pas cherché à trop préciser ou développer. J'ai juste joué sur les différentes possibilités et les choix qui me semblent les plus judicieux. Après c'est à chacun de voir. S'il y a pu y avoir méprise ici ou là, je vous prie de m'en excuser.
