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Surréalisme

Message posté… : 30 mai 2023 01:32
par Fantasy96
Bonjour
Pourriez-vous m'expliquer qu'est-ce que c'est le surréalisme ?
Merci
À bientôt

Re: Surréalisme

Message posté… : 30 mai 2023 08:15
par Mario
Difficile d'expliquer en quelques phrases. Tu tapes surréalisme dans Google et sur Youtube et tu auras toutes les infos sur l'historique et sur la création du mouvement. Mais je vais résumer le principe, l'essentiel, en simplifiant pour que ce soit clair.

Quand tu écris un texte, n'importe lequel, en général tu penses d'abord au texte. Tu réfléchis, tu analyses, et tu choisis de l'écrire de telle ou telle façon. C'est la procédure normale. Tout le monde fait comme ça.

Avec le surréalisme, tu ne réfléchis plus au texte, tu n'analyses plus. Tu écris ce qui te vient instantanément à l'esprit. Tu inverses, tu fais le contraire. Avec cette possibilité, tu peux obtenir de bons résultats, ou te planter. Les surréalistes se mettaient en transe, utilisaient des drogues, pour créer un état de réceptivité de l'inconscient (choses à proscrire évidemment).

Si tu ne sais pas dessiner, tu auras beau prendre toutes les drogues du monde, tu ne sauras pas dessiner. Si les surréalistes ont écrit des textes intéressants de façon instantanée, c'est qu'à la base ils étaient déjà écrivains et poètes, ils maîtrisaient l'écriture.

André Breton et Philippe Soupault ont écrit à deux "Les champs magnétiques" en utilisant ce principe d'instantanéité. Mais, on s'en doute, ils ont quand même relu et corrigé ici et là des petits trucs. Leurs textes sont trop logiques même s'ils baignent dans une ambiance d'inconscient.

Pour préciser, il y a l'écriture consciente et l'écriture inconsciente. L'écriture consciente fait appel au conscient, à l'éveil naturel de notre pensée dans la réalité de tous les jours. L'écriture inconsciente fait appel à l'inconscient, à tout ce qui est en nous mais que l'on ignore.

À savoir qu'en écrivant, on utilise les deux procédés : on écrit en réfléchissant, et sans réfléchir (on fait alors du surréalisme sans le savoir). Souvent on est obligé de réfléchir à ce qu'on va écrire ; d'autres fois on écrit d'un jet, instantanément (on appelle ça aussi l'inspiration).

Re: Surréalisme

Message posté… : 01 juin 2023 03:11
par Fantasy96
Merci Mario
Ça répond à ma question.
À bientôt

Re: Surréalisme

Message posté… : 01 juin 2023 09:37
par Lily
Mario a écrit : 30 mai 2023 08:15 L'écriture consciente fait appel au conscient, [...]. L'écriture inconsciente fait appel à l'inconscient.
:lol: Tu m'as faire rire !

Je me permets.

Difficile d’expliquer et de comprendre le surréalisme sans parler du dadaïsme. Les deux sont intimement liés et la frontière est floue. Miró est-ce que c’est du dadaïsme ou du surréalisme ? Honnêtement, je crois que tout dépend de la date de création.
Les surréalistes sont simplement les dissidents d’un dadaïsme à la dérive.

Un jour, des artistes, probablement drogués, mais surtout contestataires et un peu fous, ont décidé de s’élever contre la bourgeoisie et de casser les codes de l’art. Quel que soit l’art en question. À l’époque, l’art devait être beau, représentatif, factuel. La technique était au centre de tout. L’art vivait aussi encore beaucoup au sein d’un cercle élitiste de personne éduquée. C’est-à-dire les riches. Les dadaïstes voulaient surtout déranger, choquer. En gros mettre le bazar pour redistribuer les cartes. En ce sens, ils se sont affranchis de la technique. Bien évidemment, comme précisé par Mario, pour pouvoir s’affranchir de la technique, il faut d’abord la maîtriser. Picasso par exemple. On le connaît surtout pour sa période cubiste, mais il dessinait extrêmement bien.
Quand le mouvement dada s’est perdu dans un grand n’importe quoi, certains l’ont quitté pour fonder le surréalisme. Ils sont devenus des anarchistes qui réfléchissent. Il n’était plus juste question de libérer l’art, de choquer et de déconstruire les codes. Ils ont donné un sens à tout ça. En s’inspirant et en s’appuyant notamment sur les travaux de Freud. L’analyse des rêves, tout ça, tout ça.

Le surréalisme, tout comme le dadaïsme, fait appel à l’automatisme. Le soi-disant hasard qui est en fait l’inconscient (ou le subconscient et tous ses copains) dont parlait Mario. Ce n'est pas toi mais ton inconscient qui s’exprime.
Quand tu écris, tu choisis tes mots pour faire passer un message, une émotion. Tu as quelque chose à dire et tu vas intellectualiser la chose pour le faire du mieux possible. Les surréalistes font un peu l’inverse. Ils vont laisser venir les mots et ensuite se poser des questions. Pourquoi à cet instant précis ce sont ces mots-là qui me sont venus ? Qu'est-ce que j'ai voulu raconter ?
Pour imager, on peut prendre l’exemple de l’artiste qui est pris d’une bouffée d’inspiration génialissime au réveil. Il se lève et hop il crée quelque chose, inconsciemment donc sans y réfléchir ni l’intellectualiser. Sans se poser de question, elles viendront après. Là tu peux raccrocher les wagons de la psychanalyse. Le pourquoi du comment.
C’est à cause des surréalistes que, face à une peinture par exemple, on entend aujourd’hui des phrases du genre « c’est moche » ou « ça, j’aurais pu le faire ».
C’est moche, oui peut-être, mais l’art a-t-il vocation à être beau ? Qu’est-ce que le beau ? Vous avez trois heures  ;) Le beau les surréalistes s'en fichent un peu. Ce qu'ils créent devient beau parce que derrière, il y a la maîtrise.
J’aurais pu le faire, non. Déjà parce que sont de grands techniciens. Mais aussi parce que l’inconscient est propre à chacun. Si tu crées avec ton inconscient, tu seras incapable de reproduire ce qu’un autre artiste a créé avec le sien. C’est aussi pour ça que l’on ne ressent pas les mêmes choses face à l’art. Parce que mon inconscient ne fonctionne pas comme le tien ou celui du voisin.

En gros je réfléchis, je construis ensuite j’écris, c’est la façon « normale » de faire.
J’écris au hasard, puis je réfléchis et je donne un sens à mes mots, c’est le surréalisme.

Re: Surréalisme

Message posté… : 01 juin 2023 10:43
par Mario
Bel exposé. Mais oui, permets-toi, c'est même recommandé.
Mario
L'écriture consciente fait appel au conscient, [...]. L'écriture inconsciente fait appel à l'inconscient.
Lily
Tu m'as fait rire !
C'est comme dans la chanson des Top Boys : "Le feu ça brûle et l'eau ça mouille."
Cela a l'air idiot, mais ce n'est pas si idiot que ça en a l'air. Pour bien comprendre la base, il faut descendre au fond du gouffre de la pensée, là où commence l'abécédaire de la compréhension. À ce niveau, on pense tous de cette façon : le soleil chauffe, le froid fait froid, un mur c'est dur, etc.
Après, en remontant à la "surface du monde social", on "arrondit les angles", on améliore, pour faire bien et ne pas paraître idiot.

On pourrait ajouter ça à la psychologie de l'écriture.

Le dadaïsme, dit-on, est le précurseur du surréalisme, et c'est vrai d'une certaine façon. Les dadaïstes supprime l'auto-censure, les règles établies, la bonne pensée sociale, et se laissent aller à toutes les possibilités de la pensée et de l'imagination. Cela donne des films et des spectacles fantasques et loufoques, complètement déjantés, sans queue ni tête. Il y a eu une inversion totale : on est passé du bien-penser correct et logique à une liberté totale de penser non-logique.
Lily
C’est moche, oui peut-être, mais l’art a-t-il vocation à être beau ? Qu’est-ce que le beau ? Vous avez trois heures

Le beau c'est quand c'est beau.

C'est le début de la réflexion. Le début "réflexe automatique" de la pensée.
Ce début vient après la "pensée élémentaire" (où on ne pense à rien).
Et avant la pensée élémentaire, il y a l'orée de l'inconscient (on peut l'appeler le pré-conscient).

Inconscient – pré-conscient – pensée élémentaire – pensée de base – abécédaire
Lily
En gros je réfléchis, je construis ensuite j’écris, c’est la façon « normale » de faire.
J’écris au hasard, puis je réfléchis et je donne un sens à mes mots, c’est le surréalisme.
Normalement, les surréalistes, après avoir "aspiré" l'inconscient, gardent les textes tels quels. Ils ne donnent pas de sens aux mots (dans le sens où on les arrange ensuite ici et là) ; disons qu'ils cherchent après un sens aux mots, à comprendre les "messages de l'inconscient" (ce qui ne les empêchent pas, j'en suis sûr, d'arranger quand même ici et là pour obtenir des textes moins hermétiques).

Re: Surréalisme

Message posté… : 01 juin 2023 11:22
par Lily
Mario a écrit : 01 juin 2023 10:43 C'est comme dans la chanson des Top Boys : "Le feu ça brûle et l'eau ça mouille."
Cela a l'air idiot, mais ce n'est pas si idiot que ça en a l'air.
Tu as raison, en effet, c'est utile de rappeler certaines évidences parfois. Je viens de lire un article qui débute par " Pour écrire, il faut savoir écrire". C'est la même chose. Ça paraît absurde sauf qu'en fait ça ne l'est pas.
Mario a écrit : 01 juin 2023 10:43 Normalement, les surréalistes, après avoir "aspiré" l'inconscient, gardent les textes tels quels. Ils ne donnent pas de sens aux mots (dans le sens où on les arrange ensuite ici et là) ; disons qu'ils cherchent après un sens aux mots, à comprendre les "messages de l'inconscient" (ce qui ne les empêchent pas, j'en suis sûr, d'arranger quand même ici et là pour obtenir des textes moins hermétiques).
Alors, je ne voulais pas dire qu'ils modifient leurs textes. Pas en profondeur du moins. Déplacer une virgule n'étant pas, de mon point de vue, une réelle modification. Même si, en fait, c'en est une. Mais là n'est pas la question.
Ce que je voulais dire c'est plutôt qu'ils analysent, contextualisent, explicitent, a posteriori. Pourquoi on écrit "La vache baille son herbe rouge en regardant passer le train" ? On ne touche pas à la phrase, on la pense. Tout comme Duchamp a pu réfléchir au sens et au message de son urinoir après coup.

Re: Surréalisme

Message posté… : 01 juin 2023 17:51
par Mario
Exact, Lily, après l'extraction du texte de l'inconscient, forcément, on va chercher à le comprendre, au niveau symbolique le plus souvent, tellement les phrases sont parfois surprenantes. L'inconscient nous parle-t-il ? Ou est-ce nous qui le faisons parler ? L'inconscient étant soi-même, mais non conscient, on se parle à soi-même ?

Il est sûr que dans Les champs magnétiques, Breton et Soupault ont remanié certains passages.
LA GLACE SANS TAIN
Prisonniers des gouttes d'eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus. A quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchée ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisir. Notre bouche est plus sèche que les plages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n'y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille.
Quelquefois, le vent nous entoure de ses grandes mains froides et nous attache aux arbres découpés par le soleil. Tous, nous rions, nous chantons, mais personne ne sent plus son cœur battre. La fièvre nous abandonne.
Les gares merveilleuses ne nous abritent plus jamais : les longs couloirs nous effraient. Il faut donc étouffer encore pour vivre ces minutes plates, ces siècles en lambeaux. Nous aimions autrefois les soleils de fin d'année, les plaines étroites où nos regards coulaient comme ces fleuves impétueux de notre enfance. Il n'y a plus que des reflets dans ces bois repeuplés d'animaux absurdes, de plantes connues.
Les villes que nous ne voulons plus aimer sont mortes. Regardez autour de vous : il n'y a plus que le ciel et ces grands terrains vagues que nous finirons bien par détester. Nous touchons du doigt ces étoiles tendres qui peuplaient nos rêves. Là-bas, on nous a dit qu'il y avait des vallées prodigieuses : chevauchées perdues pour toujours dans ce Far West aussi ennuyeux qu'un musée.
Lorsque les grands oiseaux prennent leur vol, ils partent sans un cri et le ciel strié ne résonne plus de leur appel. Ils passent au-dessus des lacs, des marais fertiles ; leurs ailes écartent les nuages trop langoureux. Il ne nous est même plus permis de nous asseoir ; immédiatement, des rires s'élèvent et il nous faut crier bien haut tous nos péchés.
Un jour dont on ne sait plus la couleur, nous avons découvert des murs tranquilles et plus forts que les monuments. Nous étions là et nos yeux agrandis laissaient échapper des larmes joyeuses. Nous disions : « Les étoiles et les planètes de première grandeur ne nous sont pas comparables. Quelle est donc cette puissance plus terrible que l'air ? Belles nuits d'août, adorables crépuscules marins, nous nous moquons de vous ! L'eau de Javel et les lignes de nos mains, dirigeront le monde. Chimie mentale de nos projets, vous êtes plus forte que ces cris d'agonie et que les voix enrouées des usines ! » Oui, ce soir-là plus beau que tous les autres, nous pûmes pleurer. Des femmes passaient et nous tendaient la main, nous offrant leur sourire comme un bouquet. La lâcheté des jours précédents nous serra le cœur, et nous détournâmes la tête pour ne plus voir les jets d'eaux qui rejoignaient les autres nuits.
Il n'y avait plus que la mort ingrate qui nous respectait.
Chaque chose est à sa place, et personne ne peut plus parler : chaque sens se paralysait et des aveugles étaient plis dignes que nous.
On nous a fait visiter des manufactures de rêves à bon marché et les magasins remplis de drames obscurs. C'était un cinéma magnifique où les rôles étaient tenus par d'anciens amis. Nous les perdions de vue et nous allions les retrouver toujours à cette même place. Ils nous donnaient des friandises pourries et nous leur racontions nos bonheurs ébauchés. Leurs yeux fixés sur nous, ils parlaient : peut-on vraiment se souvenir de ces paroles ignobles, de leurs chants endormis ?
Nous leur avons donné notre cœur qui n'était qu'une chanson pâle.
Les champs magnétiques, André breton et Philippe Soupault - extrait du début


Après, je pense qu'il y a un inconscient déjanté et un inconscient logique (disons le même qui envoie des messages sur les deux modes). Des fois le résultat est bon voire excellent ; d'autres fois c'est n'importe quoi ou pas publiable, et dans ce cas les phrases sont supprimées ou remaniées.

Finalement, qu'on écrive consciemment ou inconsciemment (de toute façon on utilise les deux manières), l'essentiel que le texte accroche, pas vrai ?

Re: Surréalisme

Message posté… : 02 juin 2023 07:41
par Lily
Tout comme nous remanions le premier jet de n'importe quel texte. Mais sapristi que c'est bien écrit !
Je dirais plutôt que l'essentiel est d'écrire.

Re: Surréalisme

Message posté… : 17 oct. 2023 09:23
par Chamane
Mario a écrit :Le beau c'est quand c'est beau.
Après moultes non-réflexions et expériences personnelles, j'en suis venue à la conclusion que la beauté n'est pas un attribut, mais une émotion :)
Lorsqu'elle m'habite, elle habille tout, où que se pose mon regard.
Certains ont déclaré que la beauté était une rencontre, mais à mon sens, cela ne va pas aussi près ;)

Re: Surréalisme

Message posté… : 27 oct. 2023 20:31
par Fantasy96
Bonjour
Selon moi la fantasy et le fantastique sont deux formes de surréalisme.
À bientôt